Évidemment, cette page de l’histoire ne concerne pas que les nancéiens, mais cette anniversaire valait bien quelques lignes !
La promulgation le 15 juillet 1914 de la loi créant l’impôt général sur le revenu ne fut en réalité qu’une étape de l’introduction en France d’un impôt moderne sur le revenu.
3 juillet 1914 : pour financer le conflit européen qui se profile, l’impôt général sur le revenu est voté au Parlement par Joseph Caillaux, ministre des Finances du gouvernement Clémenceau.
Un mois plus tard, l’Allemagne déclare la guerre à la France, le 3 août 1914.
Le projet qu’avait présenté en février 1907 Joseph Caillaux, alors ministre des Finances, reposait sur trois idées.
La première était la redéfinition des catégories de revenus (les cédules), permettant le remplacement des quatre contributions révolutionnaires (foncière, personnelle mobilière, patente, portes et fenêtres), dites les « quatre vieilles », par de nouveaux impôts catégoriels (les impôts cédulaires). Ainsi espérait-on mieux imposer les nouvelles formes de revenus (bénéfices, salaires, dividendes) qui représentaient une part croissante de la richesse nationale. Égalité et productivité fiscales devaient aller de pair.
La seconde idée était de personnaliser l’impôt, principalement par la création d’un impôt complémentaire progressif assis sur le revenu global du foyer.
La troisième idée, enfin, était le recours à la déclaration du contribuable, contrôlable par l’administration fiscale.
Techniquement, Joseph Caillaux s’inspirait tout à la fois du système cédulaire anglais (1843) et de l’impôt progressif sur le revenu prussien (1891). Son projet n’était donc pas particulièrement précoce ou révolutionnaire. Il fut pourtant intensément débattu.
Depuis les années 1830, l’impôt progressif sur le revenu était, pour les républicains, exigé par l’égalité fiscale et la justice sociale. Mais il était honni des conservateurs, qui y voyaient une menace pour le droit de propriété et le secret de la vie privée, une arme bien trop dangereuse pour être abandonnée à une majorité parlementaire issue du suffrage universel, il fut repoussé en 1848 comme en 1872.
L’aboutissement de la réforme Caillaux est le reflet d’une évolution dans ce rapport de forces.
Aussi, le projet assez facilement adopté en mars 1909 par la Chambre des députés fut-il reçu avec circonspection par un Sénat plus conservateur.
La guerre leva ces obstacles.
Les exigences du réarmement déterminèrent finalement une partie de la droite à voter un texte très largement remanié. L’impôt général progressif était institué, mais plafonné à 2 % ; la refonte des catégories de revenus se limitait à un toilettage des anciennes contributions ; les pouvoirs de l’administration étaient restreints.
L’impôt sur le revenu conçu par Joseph Caillaux a profondément marqué la fiscalité directe, en France et à l’étranger. Mais, plus encore, il traduit un idéal républicain de la justice fiscale, reposant sur la personnalisation de la dette fiscale et la responsabilisation du contribuable.
source – site des archives de France