Par hasard, j’ouvre cette page de Gérard Michaux sur le site professeurs-medecine-nancy … les épidémies de peste en lorraine au XVIIe siècle !
Il est bien sûr difficile de déterminer la part exacte de la peste dans l’hécatombe qui frappa la Lorraine entre 1630 et 1670… La région perdit en moyenne 60% de sa population.
Cela devrait éveiller la curiosité …
“Libera nos, Domine, a bello, a fame, a peste ”
libère nous, Seigneur, de la guerre, de la faim et de la peste
On connaît l’antienne célèbre fréquemment utilisée aux siècles passés par les populations désespérées pour conjurer les principaux fléaux qui s’abattaient sur elles. Bien que derrière le terme de peste, il faille entendre diverses épidémies (typhus exanthématique, fièvres multiples …), la peste stricto sensu restait la maladie la plus redoutée et son image continua de hanter les esprits et de frapper fortement les mentalités jusqu’au XVIIIe siècle.
Depuis la grande épidémie de peste noire, qui ravagea l’Europe de 1348 jusqu’en 1670, la terrible maladie ne disparut jamais complètement, même si elle s’assoupit parfois.
En France, durant ces trois siècles, les poussées violentes (26 principales et 11 annexes) alternèrent avec des périodes de régression endémiques ou totales. Les années 1600-1642 se signalent tout particulièrement par leur violence.
En Lorraine, le XVIe siècle fut ponctué par plusieurs phases de résurgence de l’épidémie
1517-1519 (Epinal, Toul, Nancy, Metz)
1523-1527 (Bar-le-Duc, Nancy, Pont-à-Mousson)
1545-1552 (région de Saint-Nicolas de Port, de Nancy et de Toul)
et 1576-1589.
Après plusieurs années d’accalmie, une alerte brutale en 1610 justifia de la part des autorités des mesures de protection et de quarantaine pour empêcher la contagion. Une recrudescence de la peste se manifesta de 1621 à 1625 (Pays messin, Verdunois, bailliage de Mirecourt), puis l’épidémie s’amplifia à partir de 1627, concourant à la plus grande catastrophe démographique de l’histoire lorraine.
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LE DÉVELOPPEMENT DE L’ÉPIDÉMIE
image du site de Jean-Michel Guyon
Il est assez bien connu grâce aux témoignages des contemporains.
L’épidémie de peste bubonique, à laquelle se mêlent le typhus et peut-être la scarlatine, accompagne les armées en marche. Parfois, elle les précède.
L’épidémie vient de l’Est. A partir des marches orientales de la Lorraine, elle se propage par les vallées de la Seille et de la Meurthe, puis de la Moselle.
En 1627, Saint-Nicolas de Port, Lunéville et Moyenvic sont touchés.
En 1628, la contagion est à Villers-lès-Nancy.
Au milieu de 1629, la peste réapparaît à Epinal et à Toul. Elle affecte à la même date quelques paroisses messines et l’on transforme une partie de l’île Chambière en lieu de quarantaine.
Au printemps 1630, il faut arrêter l’enseignement universitaire à Pont-à-Mousson (pour quatre ans) et Nancy, la capitale ducale, est atteinte à son tour.
De 1630 à 1632, la peste sévit à peu près partout en Lorraine, avec une violence inconnue jusque-là.
Après un court répit (fin 1632-1634), l’épidémie (la peste “suédoise”) reprend de plus belle pour atteindre son paroxysme en 1636.
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L’ATTENTE DE LA PESTE
Il fallait surtout empêcher la propagation du mal qui, compte tenu de son caractère et de son agent vecteur, atteignait son plus haut degré mortifère durant les mois d’août, de septembre et d’octobre. La première mesure consiste à expulser les villageois qui, aux premières alertes, s’étaient réfugiés dans les villes surpeuplées.
A Metz, devenue ville refuge, les paysans et vignerons du plat-pays, qui avaient fui leurs villages à l’été 1635 devant le déferlement des troupes et l’avancée de la peste, sont renvoyés chez eux en mai 1636, au plus fort de 1’épidémie. Deux mois plus tard arrivent de Lorraine germanophone deux mille mendiants qu’on finit par expulser sous escorte armée en juin 1637.
Pour empêcher cette immigration, on ferme les portes des villes et des bourgs. Les entrées sont filtrées, les gardiens des portes disposant d’une liste des localités réputées pestiférées.
A Verdun, cette liste est placardée en 1630. Les suspects sont emprisonnés. On va même jusqu’à exécuter ceux qui, venant de localités infectées, sont entrés clandestinement. On relève plusieurs cas à Châtel-sur-Moselle, Nancy, Pont-à-Mousson, Metz, Toul et Verdun. Les autorités municipales prennent en ce sens des ordonnances très sévères.
La suspicion s’étend également aux animaux et aux marchandises. Dès le mois de mars 1630, le duc Charles IV défend d’acheter “meubles et bétails des troupes voisines, à cause des maladies qui règnent parmi elles”. A Metz, à la même époque, on sacrifie chats, chiens et lapins de la cité.
Dès qu’un cas de peste est signalé, la maison est marquée d’une croix et son occupant est conduit en dehors de la ville. Il est placé dans une loge, bâtisse sommaire construite en planches et destinée à isoler les pestiférés.
A Toul, en juin 1630, on en édifia hâtivement près de cinq cents. A Nancy, de telles loges existaient à Maréville. Toutes ces mesures préventives se révélèrent vite inopérantes.
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LA LUTTE CONTRE LA MALADIE
Devant l’ampleur du fléau, en particulier en 1630-1632 et en 1635-1636, diverses mesures sont édictées, mais de façon générale les populations restent démunies devant la peste. Si la théorie traditionnelle, selon laquelle la maladie se transmet par l’air, n’est pas contestée, on n’écarte pas la contagion directe. Aussi le premier réflexe est-il de s’enfermer et d’éviter tout contact, et même toute conversation, avec ses voisins.
Il fallait aussi assainir l’air. Partout, on allume de grands feux de bois aux carrefours et aux entrées des villes.
Les Messins, qui habitent un immeuble proche d’une maison touchée par la peste, doivent chaque soir faire du feu devant chez eux. Il est en outre demandé aux habitants de prendre des habitudes d’hygiène. Ils doivent en particulier porter leurs immondices (au moins une fois par semaine) hors de la ville ou du bourg. Pour lutter contre la corruption de l’air, on parfume les maisons avec des plantes odoriférantes (thym, lavande, romarin, sauge …).
La médecine elle aussi est désemparée.
Les médecins les plus renommés préconisent la purgation, la saignée ou l’usage du citron.
Dès 1630-1631, plusieurs brochures sont éditées à Epinal, à Pont-à-Mousson et à Verdun, qui traitent de la Manière de faire élections des personnes propres et idoines pour aérer et nettoyer les maisons infectées de peste (Nancy, 1636) ou procurent des Conseils préservatifs et curatifs contre la peste (Epinal 1631).
Devant l’inefficacité des remèdes, il ne reste plus aux populations qu’à recourir à la protection de la Vierge et des saints guérisseurs. Saint-Sébastien et Saint-Roch deviennent de vrais saints prophylactiques. Ces intercessions revêtent une forme soit individuelle (ex-voto) soit collective.
En 1631, la ville de Nancy élève un monument dans la chapelle de Notre-Dame de Bon-Secours et se consacre en 1633 à Notre-Dame de Lorette.
Religieux (capucins surtout) et médecins portent secours aux pestiférés, parfois au péril de leur vie. Charles Le Pois, célèbre professeur de médecine, contracta la maladie en soignant les pestiférés de Maréville et en mourut en 1632, de même que ses collègues Pierre-Claude Haguenier et René Baudin.
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UN BILAN MEURTRIER
Le bilan des épidémies de peste en Lorraine au XVIIe siècle est terrifiant.
Il est bien sûr difficile de déterminer la part exacte de la peste dans l’hécatombe qui frappa la Lorraine entre 1630 et 1670.
La région perdit en moyenne 60% de sa population. Deux vagues furent particulièrement meurtrières, qui touchèrent toute la Lorraine en 1631, puis en 1635-1636.
A Metz qui, en 1636 perd en quelques mois près de 20% de sa population, la peste «suédoise» est nommément responsable de 1782 décès sur les 4430 enregistrés (soit 40,2%), tandis que 1350 maisons (45% du total) sont interdites d’accès.
Verdun connaît en 1635 une mortalité douze fois supérieure à celle de 1634. A Bar-le-Duc, la peste fait en moyenne 20 à 25 victimes par jour en 1636.
A Nancy, une seule paroisse (Saint-Sébastien) enregistre, d’août à décembre 1635, mille morts contre 158 pour le premier semestre de la même année et 950 pour toute l’année 1636.
Après 1640, la peste disparaît presque complètement de Lorraine.
On peut considérer qu’il n’y a plus d’épidémie de peste en France après 1670. Une exception cependant, la peste de Marseille de 1720 qui décime la ville et la Provence. Mais il s’agit là d’un accident dû au non respect de la quarantaine sur un bateau venu du Levant. Néanmoins, cette peste fit craindre le pire et resurgir les peurs ancestrales.
En Lorraine, le duc Léopold s’empressa de prendre une ordonnance destinée à mettre ses Etats à l’abri de la peste. Cette précaution s’avéra inutile, mais elle montre que la peste incarne encore, au début du siècle des Lumières, la fragilité de l’existence humaine.
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Si vous souhaitez en savoir plus, vous pouvez aussi lire les pages très complètes de Pierre Labrude
Les « apothicaires de la peste » à Nancy aux XVIIe et XVIIIe siècles – ici
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LA CANNE DE SAINT ROCH
extrait du site : Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton (!!!:))
C’est sous ce nom qu’on désignait la baguette tenue par les « médecins de peste ».
Lorsque les grandes épidémies ont ravagé l’Europe du XIVe au XVIIIe siècle, les autorités municipales ont eu recours à de courageux médecins pour examiner et soigner les malades. La baguette permettait d’écarter un vêtement, de soulever un linge, sans contact direct avec le pestiféré (au sens premier du terme).
Les médecin de peste sont revêtus d’un grand manteau, d’une cagoule, de chausses et de bottes empêchant l’introduction des puces, d’un masque à grand bec recourbé (dit à bec de corbin), enfermant un mélange d’herbes aromatiques censées être antiseptiques.
Ils utilisent une baguette de couleur blanche ou rouge dite « canne de saint Roch ». Ce nom semble avoir été usité en 1720 lors de la grande peste de Marseille. La baguette blanche est attestée à Anvers et à Poitiers, la rouge à Lille.
Pourquoi « canne de saint Roch » ?
Parce que ce saint fut lui-même atteint de la peste et il est d’ailleurs toujours représenté dans l’iconographie chrétienne et la statuaire en train de relever un pan de son manteau jusqu’au haut de sa cuisse pour montrer son bubon pesteux (en fait, ledit bubon étant placé à l’aine, le saint ne remonte pas son manteau jusque-là par décence).
Vous avez lu …. tant mieux, cela vous a donc intéressés !