histoire de rue – la rue Julie-Victoire Daubié
Ce nom interroge certains comme mon amie Paola qui m’a soufflé le sujet !
Si vous vous rendez au pôle médical Gentilly, il y a de fortes chances que vous passiez par la rue Julie-Victoire Daubié.
Julie-Victoire Daubié est une personne hors du commun, née à Bains-Lès-Bains en 1824 …
1824 …
Julie Victoire Daubié voit le jour dans la maison dite des Commis de la Manufacture royale de Bains-les-Bains en 1824, où son père était caissier.
Née Julie-Victoire à l’état civil, on l’appelle Victoire au quotidien.
Huitième enfant de sa fratrie, son père décède quand elle a vingt mois. La mère et les enfants rejoignent alors Fontenoy-le-Château où réside la famille paternelle de Julie-Victoire.
Son grand-père est Siméon-Florentin Daubié, greffier de justice et ancien négociant qui vit de ses rentes, petite bourgeoisie fontenaicastrienne.
Le 31 août 1844, elle obtient le « Certificat de capacité », qui est le brevet d’enseignante.
Après avoir étudié le grec et le latin avec son frère abbé Joseph Florentin Daubié, elle présente sa candidature au baccalauréat à l’Université de Paris.
L’apprentissage de ces deux langues était, comme celui des mathématiques et de la philosophie, traditionnellement refusé aux femmes, sous prétexte que cela nuirait à leur modestie et au développement de leur esprit…
Candidature refusée au seul prétexte qu’elle est femme ! Pourtant, aucun texte n’interdit aux femmes l’accès à l’Université.
Après de multiples démarches, avec l’aide de François Barthélemy Arlès-Dufour, un saint-simonien et industriel lyonnais très influent dans les milieux académiques et à la cour impériale, elle finit par obtenir son inscription à Lyon.
Enfin, le 16 août 1861, elle obtient son baccalauréat en totalisant six boules rouges, trois boules blanches, une boule noire.
Ce système de boules était le moyen de vote des professeurs examinateurs. En ce temps-là, ils ne calculaient pas de moyenne. Une boule rouge signifiait un avis favorable, une boule blanche, une abstention, une noire, un avis défavorable.
Mais elle attendra longtemps son diplôme !
Prétendant qu’il « ridiculiserait le ministère de l’Instruction publique », le ministre Gustave Rouland refuse de le signer. Il faut une intervention pressante d’Arlès-Dufour auprès de l’entourage de l’impératrice Eugénie pour que l’ordre soit donné à ce ministre d’apposer sa signature au bas du diplôme.
Ils ont fait connaissance en 1859, lorsque Julie Victoire Daubié participe au concours de l’académie impériale de Lyon qu’il organise. Son mémoire a remporté le premier prix.
Le sujet proposé était le suivant : chercher le moyen d’élever le salaire des femmes à l’égal de celui des hommes …
Parallèlement à ses propres études, elle fait campagne en faveur de l’instruction et du travail des femmes.
Le mémoire ayant obtenu le premier prix au concours de l’académie royale de lyon fut publié en 1866 sous le titre « La femme pauvre au XIX siècle » et obtint, en 1867, la mention honorable du jury international de l’exposition universelle. Il est entièrement consacré à la condition économique et professionnelle de la femme, avec pour objectif l’indépendance matérielle du « deuxième sexe ».
Son dernier combat est mené à partir de 1870
Elle réclame l’inscription des femmes sur les listes électorales, en affirmant que le suffrage des femmes est la base du progrès social.
Pour revendiquer un tel suffrage, elle utilise l’argument des impôts : les femmes le paient, elles ont les mêmes devoirs que les hommes, elles doivent donc avoir les mêmes droits. Cette dernière campagne est un échec, au niveau de la satisfaction mais surtout au niveau de la mobilisation.
Le 28 octobre 1871, elle devient la première femme titulaire d’une licence de lettres.
Devenue journaliste économique, et sans pouvoir assister aux cours (l’examen est accessible aux femmes, mais les cours leurs sont interdits), elle réussit cependant son examen.
Ce n’est qu’en 1880, que la faculté des lettres de Paris ouvre enfin ses portes aux femmes.
Elle doit rejoindre sa mère malade en 1872.
Profondément affectée par la censure de trois ouvrages que son association pour a édités en 1873, elle meurt d’épuisement l’année suivante et est enterrée à Fontenoy-le-Château avec sa sœur et ses nièces.
Le XIXe siècle, « siècle de l’ouvrière » dit-on.
L’expression renvoie à une double réalité : l’embauche massive des femmes dans l’industrie – le nombre d’ouvrières de fabrique passe de 168 000 à 747 000 entre 1835 et 1860 (Rabout, 1978) – en particulier celles du textile, et leur cantonnement dans des emplois subalternes, faute d’instruction et de formation professionnelle.
Privées d’enseignement et de titres, elles constituent une main-d’œuvre volontiers exploitée par le patronat industriel, moins revendicative, moins réticente aux machines et surtout moins chère que celle des ouvriers qualifiés.
En 1872, le salaire moyen des femmes dans l’industrie représentait 43 % de celui des hommes.
La maison de Julie-Victoire Daubié est désormais une maison d’hôte raffinée faisant revivre cette époque.
La maison d’hôte Julie Victoire – ici
Sources multiples sur le net
Manufacture royale de Bains Lès bains
Au fil des mots et de l’histoire
Cair info : La pauvreté laborieuse au XIXème siècle vue par Julie-Victoire Daubié
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Toutes les pages « Histoires de rues » de NancyBuzz – ici
30 septembre 2015 at 20 h 36 min
Chers amis de Nancybuzz,
Merci de réactiver la mémoire de Julie-Victoire Daubié, Vosgienne exceptionnelle qui combattit (pacifiquement) toute sa vie pour l’égalité femme-homme dans notre société. Tout ce qu’elle a dit, écrit, fait en son temps est encore à dire, écrire, faire aujourd’hui. Et merci d’avoir rappelé le titre de mon livre qui, en 2007, fut le premier ouvrage grand public à elle consacré. La première édition fut très vite épuisée. Depuis, plusieurs villes ont choisi son nom pour des rues, parcs, complexes scolaires, etc. Nancy est de celles-là. La deuxième édition (2013), toujours disponible, est préfacée par Jean-Louis Debré, président du Conseil constitutionnel. Très cordialement.