les discours vont fuser, je n’ai pas résisté au plaisir de la rhétorique !
Une figure de style, du latin figura, est un procédé d’expression qui s’écarte de l’usage ordinaire de la langue et donne une expressivité particulière au propos. On parle également de figure de rhétorique ou de figure du discours.
Tout a commencé avec l’anaphore, avant nous avions connu l’allitération, la litote, l’oxymore… viendront sans doute l’épitrochasme ou l’hypozeuxe !!!
Michèle Tillard sur son site philo-lettres.fr a répertorié très clairement toutes ces figures de discours, les voici sur Nancybuzz …
C’est comme un petit bonheur de décortiquer ces tournures, d’identifier ces constructions. Un seul bémol, la difficulté à mémoriser leurs noms !
Les figures microstucturables
Nom de la figure |
Définition |
Exemple |
Figures de diction modifiant le signifiant |
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Aphérèse | Elision de la première syllabe du mot | Les Ricains
Le scope |
Apocope | Elision de la ou des dernière(s) syllabe(s) du mot | Le ciné
La télé Le métro |
Epenthèse | Ajout d’un phonème à l’intérieur d’un mot | MerdRe ! |
Mot-valise | Mot constitué par deux mots assemblés | Nullastreux ; les « Proêmes » de Ponge (prose + poème) |
Figures de diction fondées sur la continuité phonique
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Allitération | Répétition de consonnes | Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? (Racine) |
Assonance | Répétition de voyelles | « A bon chat, bon rat » |
Homéotéleutes | Mot finissant de la même façon | « Tiens, Polognard, soulard, bâtard, hussard… » (Ubu Roi) |
Homéoptotes | Mot finissant de la même façon parce que sur la même désinence | « es aultres demoulloyt les reins, avalloyt le nez, poschoyt les yeulx, fendoyt les mandibules… » Gargantua ch. XXV |
Paronomase | Mots se ressemblant par le son mais différant par le sens | Mamouth / mamours (Verheggen) ;
Tu parles, Charles ! A l’aise, Blaise ! |
Épitrochasme | Suite de mots brefs | « je vais, je viens, je cours, je ne perds point le temps » (Du Bellay, Regrets XV, v. 5 |
Figures de construction impliquant une répétition lexicale
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Epizeuxe | Itération lexicale contigue | Suzon, Suzon… |
Anaphore rhétorique | Répétition d’un mot ou groupe de mots en début de phrase, de paragraphe, de strophe | « et je l’ai trouvée amère, et je l’ai injuriée… » |
Epiphore | Répétition d’un mot ou groupe de mots en fin de phrase, de paragraphe, de strophe | Musique de l’eau / Attirance de l’eau / Trahison de l’eau / Enchantement de l’eau (Anne Hébert) |
Hypozeuxe | Parallélisme de groupes syntaxiques le plus souvent juxtaposés | Jusqu’à l’épuisement, jusqu’à la mort (Maeterlinck) |
Antépiphore | Répétition de la même formule ou du même vers au début et à la fin d’un ensemble syntaxique ou d’une strophe | Cf. Baudelaire, l’Irréparable : répétition du 1er vers de chaque strophe au 5ème et dernier vers. |
Symploque | Combinaison d’une anaphore + une épiphore | Les yeux noirs de Stella, les yeux d’oiseau de Stella, se dilataient dans son visage creusé (Anne Hébert) |
Anadiplose | Reprend au début d’un vers, d’une phrase un élément qui se trouve à la fin du vers ou de la phrase qui précède | « Pour moi, c’est un malheur. Un malheur, tout le monde sait ce que c’est… » (Camus, l’Etranger) |
Epanode | Anadiplose qui fait de cette reprise le point de départ d’un développement prédicatif ou d’une explication | « Elle le quitta avec impatience et dédain : impatience parce qu’il la contrariait, dédain parce qu’il n’était pas riche. » (Montherlant) |
Concaténation | Suite d’anadiploses ou d’épanodes | Article Guerre de Voltaire |
Epanadiplose | Système de deux membres syntaxiques dont le 1er commence et le 2ème finit par le même élément | Princeps pro patria certat, comites pro principe |
Antanaclase | Répétition du même mot, au sens propre et au sens figuré | Et la mer est amère, et l’amour est amer (Marbeuf) |
Polyptote | Utilisation de plusieurs variantes flexionnelles du même mot | « Je meurs, je suis mort » |
Figure dérivative | Met en relation des mots appartenant à une même famille | « Beauté, mon beau souci » (Malherbes) |
Figures de construction affectant la forme de la phrase
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Aposiopèse | Simple interruption dans le déroulement syntaxique, marqué par les points de suspension | Cf. Agnès dans l’Ecole des Femmes : « il m’a pris le… » |
Anacoluthe | Rupture de construction syntaxique | « Le nez de Cléopâtre, s’il eût été plus court, la face du monde en eût été changée » |
Hyperbate | Rallonge, poursuite de la phrase alors qu’elle semblait terminée | « Albe le veut, et Rome. » (Corneille) |
Asyndète | Absence d’un lien coordonnant attendu | « Cette triste femme contemplait les enfants, les bébés » (on attendrait « et les bébés ») |
Polysyndète | Multiplication des liens coordonnants | « Mais tout dort, et l’armée, et les vents, et Neptune » (Racine, Iphigénie) |
Chiasme | Reprise « en miroir » de forme A B B A | « un festin où s’ouvraient tous les cœurs, où tous les vins coulaient » (Rimbaud) |
Hypallage | Contradiction entre la structure syntaxique et la structure sémantique de l’énoncé | Ibant obscuri sola sub nocte per umbras (Virgile) |
Hendiadyn | Fait de dissocier en 2 éléments coordonnés ce qui normalement se dit en un seul syntagme | « Elle et ses lèvres racontaient… » (Eluard) |
Oxymore | Fait d’associer dans un seul syntagme des éléments sémantiquement incompatibles | « Cette obscure clarté qui tombe des étoiles » (Corneille) |
Enallage | Usage d’un temps, d’un nombre ou d’une personne différent de ce que l’on attend | « Qu’est-ce qu’elle veut, la p’tite dame ? » (= que voulez-vous) |
Figures de sens ou tropes
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Synecdoque | Hyponyme pour hypéronyme ou le contraire | Donnez-nous notre pain quotidien (= toute nourriture)
L’animal = le lion |
Antonomase | Prendre un nom commun pour un nom propre, ou le contraire | C’est un Aristote ; un Harpagon ; la balkanisation… |
Métonymie | Substitue au signifié littéral un signifié dérivé, l’un étant traité comme un élément de l’autre | Boire un verre, croiser le fer, manger un camembert… |
Abstraction | Forme particulière de métonymie, qui substitue un nom abstrait de qualité à un adjectif qualificatif | La grêle tombe « sur la propreté des vitres ».
« tout cet orgueil périt… » (La Fontaine, les deux coqs, VII, 13) c’est le coq orgueilleux qui périt ! |
Métaphore | Intersection sémique entre des éléments mis en jeu | Le peuple promontoire (Hugo) |
Les figures macrostructurables
Nom de la figure |
Définition |
Exemple |
Figures portant sur la composante formelle du discours |
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Paraphrase | Reformulation d’un énoncé premier ; développement explicatif plus long que le texte | Voir des copies d’élèves ! « L’auteur dit que… » |
Expolition | Répète et amplifie la même formulation sous des formes différentes | Ex : l’amour est amer, dans le poème de Marbeuf |
Conglobation | Accumulation de preuves dans un discours | |
Gradation | Termes de plus en plus forts | Je meurs, je suis mort, je suis assassiné ! |
Hypotypose | Accumulation de détails concrets, souvent fragmentaires, pour donner l’impression d’un tableau | « Des gens arrivaient hors d’haleine ; des barriques, des câbles, des corbeilles de linge gênaient la circulation ; les matelots ne répondaient à personne, on se heurtait. » (Flaubert, incipit de l’Education sentimentale) |
Epiphonème | Réflexion- commentaire autonome et amovible | La moralité des fables |
Epiphrase | Réflexion commentaire non autonome ni amovible | Le dernier § de l’article « guerre » de Voltaire : on ne peut le déplacer |
Parembole | Parenthèse ayant un lien syntaxique avec ce qui précède | Perdu en un endroit lointain (ou même pas), sans nom, sans identité (Michaux, « Clown » in Peintures) |
Figures portant sur la composante sémantique du discours |
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Antithèse | Opposition terme à terme | « aux uns portant la paix, aux autres le souci » (Baudelaire, Recueillement) |
Épanorthose | Correction, souvent à effet comique | « une citerne, ou plutôt un égoût » (Jean de Léry, VI, p. 164)
« elle en avoyt dedans le dos, dy je, dedans le ventre » (Bonaventure des Périers, NRJD, 5 p. 32) |
Paradoxe | Affirmation contraire à l’opinion courante ou au bon sens | « Les crimes engendrent d’immenses bienfaits et les plus grandes vertus développent des conséquences funestes » (Valéry) |
Coup de force présuppositionnel | Fait de donner comme allant de soi un présupposé paradoxal ou absurde | Les défaites étant à l’ordre de jour, il est naturel que Dieu en bénéficie (Cioran) |
Figures portant sur la composante énonciative du discours |
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Prétérition | Fait d’affirmer que l’on ne dira pas ce que, précisément, l’on s’apprête à dire | « Je n’ai pas le droit de citer des marques à la radio ; je ne dirai donc pas que ce produit est de la marque X ». |
Apostrophe rhétorique | Fait de s’adresser à un absent, un mort, un inanimé ou une idée abstraite | « ö Mort, vieux capitaine… » |
Prosopopée | Fait de prêter à un absent, un mort ou un être inanimé un discours | Prosopopée de la Nature dans le De Natura rerum de Lucrèce ; prosopopée de Junon dans l’Ode III, 3 d’Horace. |
Adresse indirecte | Fait de feindre de s’adresser à un interlocuteur fictif au lieu du vrai | Alceste inventant, dans le Misanthrope, une discussion avec un ami à propos du sonnet d’Oronte ; Sganarelle, dans Dom Juan, feignant de s’adresser à un autre maître que le sien (« c’est à l’autre que je parle, pas à vous ! ») |
Interrogation rhétorique | Fausse question dont la réponse est évidente | Il n’est pas beau, ce bébé ?? |
Dérivation illocutoire | Ne pas poser la vraie question, mais une autre qui lui est proche | Avez vous déjà rencontré cette figure ? = donnez-m’en la définition |
Figures portant sur la composante référentielle du discours |
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Hyperbole | Exagération | Le nez de Cyrano : « c’est un roc, c’est un pic, c’est une péninsule » |
Litote | Fait de dire le moins pour signifier le plus | Tu commences à m’énerver ! |
Euphémisme | Fait de désigner une réalité dérangeante par un terme neutre ou positif | « il est parti, il nous a quittés » = il est mort
Les Euménides (= les Bienveillantes) pour les Érynnies, redoutables déesses de la vengeance. |
Tapinose | Forme d’exagération procédant par dégradation burlesque | Il n’a pas cassé trois pattes à un canard |
Allégorie | Représentation d’une idée abstraite sous la forme d’un personnage | « Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche » (Baudelaire, « Recueillement ») |
L’allusion | Fait d’évoquer une chose sans le dire explicitement | «Il / Elle est porté(e) sur la chose » (= allusion sexuelle) |
La métalepse | Faire entendre une chose par une autre qui l’accompagne ou en est la conséquence | Il est vert = il a la nausée, ou il est vexé
« voilà une proposition qui va faire tousser ! » (qui va choquer) |
Antiphrase | Figure de l’ironie consistant à dire une chose pour signifier son contraire | « Tu commences à me plaire » = tu m’exaspères |
Alors ?