histoire de rues – place Mathieu de Dombasle
La statue d’Alexandre Mathieu de Dombasle se dresse au centre de la place Dombasle à Nancy, sculptée par David d’Angers en 1845. Détruite lors des deux Guerres mondiales elle a été restaurée à l’identique.
Christophe Joseph « Alexandre » MATHIEU de DOMBASLE (1777-1843) est un agronome, précurseur de l’enseignement supérieur agricole français. Surnommé par ses contemporains « le meilleur laboureur de France », il fonde une « ferme exemplaire » à Roville, qui sera bientôt imitée, et une fabrique d’instruments aratoires qui connut un réel succès…
LA PLACE
Lors de la création de la Ville Neuve de Charles III, cette place n’existait pas : il n’y avait à cet endroit qu’une vaste esplanade, entre les remparts de la Ville Vieille, qu’on avait conservés, et les premières maisons de la Ville Neuve.
Au début du XVII° siècle furent édifiés, côté Sud, les couvents des Minimes et de la Visitation (lycée Poincaré), séparés par la rue Notre-Dame (Gilbert).
La place actuelle ne fut créée qu’en 1730, au moment où les rues Gambetta et Stanislas commencèrent à se former. Vers 1750, son aspect était sensiblement différent de celui d’aujourd’hui, puisqu’elle allait alors jusqu’à la rue de la Visitation.
En 1770, elle fut réduite de moitié par la construction de l’Université (Bibliothèque Municipale). Quant à la rue Notre-Dame (Gilbert), elle disparut presque entièrement en 1803, lors de la fusion en un seul établissement – le Lycée Impérial – des couvents de la Visitation et des Minimes.
Elle fut place de Grève : là en effet eurent lieu les exécutions capitales, jusqu’en 1770, date à laquelle elles furent transférées sur la place Carnot (Grand place de Grève). Puis, place de l’Université, du Lycée, Saint-Louis, ou du Collège.
Dénommée en 1844 pour prendre le nom de Joseph Mathieu, dit Mathieu de Dombasle.
LA STATUE
Mathieu de Dombasle voûté, une plume à la main se tient debout, une charrue sans avant-train à ses pieds.
1844 : dès l’année suivant la mort de Dombasle, une souscription est ouverte à l’initiative de la Société centrale d’agriculture de la Meurthe en hommage à celui qui fut son président pendant de longues années.
Une ordonnance royale du 3 février autorise l’érection de la statue et sa réalisation est confiée à David d’Angers.
1850 : la statue est inaugurée le 7 septembre. L’emplacement choisi présente le double avantage d’être proche du domicile de Dombasle, 70 rue Stanislas et face au collège, devenu lycée Poincaré.
La statue est diversement accueillie et de nombreuses critiques s’élèvent allant jusqu’à la dérision pour une représentation trop réaliste.
1943 : elle est fondue sous le régime de Vichy.
1956 : un ancien modèle conservé à Châlon-sur-Saône permet une réédition d’après le modèle original et la statue est réérigée sur l’initiative de la Société centrale d’agriculture avec la participation de la municipalité.
source https://e-monumen.net/
MATHIEU de DOMBASLE
La vie
Le grand-père, Nicolas Mathieu, anobli le 8 décembre 1724 par Léopold Ier de Lorraine 3, fut successivement trésorier de l’Hôtel de Lorraine, receveur général puis grand-maître des Eaux et forêts du duché de Lorraine.
Son plus jeune fils Joseph-Antoine Mathieu, le père de Mathieu de Dombasle, acquit la terre de Dombasle dont le nom fut ajouté au sien suivant l’usage de l’époque.
Époux de Marie-Marthe-Charlotte Lefebvre de Monjoye, le couple eut huit enfants dont cinq survécurent (trois fils et deux filles), avant que celle-ci ne décède prématurément en 1791.
Mathieu de Dombasle est l’aîné des trois fils, est né le 26 février 1777 à Nancy, 70 rue Stanislas.
Il fait ses premières études près de ses parents, puis entre à 12 ans au collège de Saint-Symphorien, tenu à Metz par les Bénédictins, mais la dispersion des ordres monastiques par l’Assemblée nationale en 1790 et la suspension des établissements d’instruction publique, sous la Terreur, viennent contrarier ses études.
Il s’adonne alors aux beaux-arts, lit beaucoup et s’intéresse à la chimie.
Bien que la famille de Mathieu de Dombasle ait échappé jusque-là aux persécutions, son père juge sans doute plus prudent en 1795 de donner des preuves de son patriotisme et fait prendre du service à son fils aîné, en qualité de simple comptable dans les équipages qui assiègent la capitale du Luxembourg.
Mathieu ne prend part à aucune action militaire et, six mois après son incorporation, il rentre dans ses foyers.
En 1801, Mathieu de Dombasle fait un voyage à Paris où il est atteint de la petite vérole qui le marque physiquement, avec une perte d’acuité visuelle. L’année suivante, il est victime d’un accident lors duquel la roue en fer d’une voiture lui passe sur la jambe : il boitera toute sa vie. Cette succession d’évènements malheureux le rendit « taciturne et l’éloigna du monde ».
« Il était d’une stature élevée. Il marchait toujours la tête inclinée en avant parce que sa vue était mauvaise ; ses yeux noirs avaient peu d’éclat, mais sa physionomie grave, pensive, indiquait qu’il se complaisait dans les travaux intellectuels »
En 1803 il épouse Françoise-Julie Huyn, fille d’un ancien maréchal de camp qui avait été grand-prévôt. Le couple eut un fils en 1803 et une fille en 1806.
À cette période Mathieu étudie les langues étrangères, les sciences naturelles, mathématiques et physiques, la chimie et bientôt l’agriculture. Le décès de Françoise-Julie en 1807, vient mettre un terme à cette courte période de bonheur familial.
L’usine
Le 4 décembre 1810, il achète le domaine de Montplaisir près de Vandœuvre, dans la banlieue de Nancy et construit une usine d’extraction de sucre et de betterave sucrière en plein champ..
À l’époque du blocus continental, sous Napoléon, l’importation de canne des Antilles devient impossible et l’Europe continentale manque de sucre. À l’instar d’autres chimistes ou agronomes, Mathieu de Dombasle se lance dans l’extraction et la cristallisation du sucre de betteraves, une industrie alors toute nouvelle.
Mathieu de Dombasle, se fixe à Nancy dans les années 1810.
Son usine produit 30 tonnes de sucre mais tout le stock n’est pas vendu à la fin du blocus, lorsque la circulation des cannes fait chuter le prix du sucre. En 1815, la fabrique est fermée ; Mathieu de Dombasle est ruiné.
C’est également en 1810 que Mathieu de Dombasle commence à publier des textes à caractère agronomique sur la cristallisation du sucre, la fabrication de l’eau-de-vie de pomme de terre, le fonctionnement de différents types de charrues. Il travaille au perfectionnement de la charrue (et la charrue dite Dombasle va peu à peu se répandre dans les campagnes).
En 1822, il crée une « ferme exemplaire » à Roville-devant-Bayon, ainsi qu’une école d’agriculture. Son école est une parfaite réussite. Le modèle va être copié à Grand-Jouan (future école agronomique de Rennes) et surtout à Grignon (école agronomique aussi), les deux étant encore en fonctionnement de nos jours.
Il devient membre de la Société d’agriculture de Paris en 1834, et est aussi correspondant de l’Académie des sciences.
La fabrique d’instruments aratoires
Il utilise les locaux de son ancienne usine d’extraction de sucre, à Vandœuvre-lès-Nancy, pour établir une fabrique d’instruments agricoles.
Il invente en particulier une charrue avec versoir mais sans roues, donc un peu similaire à l’antique araire. Légère, robuste, peu coûteuse, bien conçue et nécessitant une faible force de traction, elle obtient un succès considérable.
Mathieu de Dombasle meurt le 27 décembre 1843 et est enterré au cimetière de Préville (son buste en fonte orne la façade de sa chapelle).
En 1895, c’est Ernest Bussière qui réalise un monument en son honneur : le buste de Mathieu de Dombasle est toujours au centre de la place du village de Roville-devant-Bayon, contemplé par un paysan maniant la charrue, qui complète le monument.
Dans l’agglomération nancéenne, le Lycée d’Enseignement Général et Agricole (LEGTA) de Malzéville porte son nom. Cependant ce lycée est plus couramment appelé lycée de Pixerécourt (nom du site)
LES BATIMENTS de la PLACE
Les bâtiments qui bordent la place, le lycée Poincaré, la Caisse d’Epargne, la Bibliothèque municipale, sont des lieux chargés d’histoire.
Source Lorraine Magazine pour les lignes qui suivent
La bibliothèque municipale
Construit de 1770 à 1778 d’après les plans de Charles-Louis de Montluisant, le bâtiment était tout d’abord dévolu à l’Université, autrefois installée à Pont-à-Mousson.
La cour est alors fermée par une imposante porte cochère et un mur couronné d’une balustrade. Une grille les a remplacés dans la seconde moitié du XIXe.
L’Université, supprimée à la Révolution, laisse place en 1794 à la bibliothèque (fondée en 1750) qui accueille les « dépôts » des livres confisqués à trente-six établissements religieux et à cent douze nobles émigrés, ce qui permet ainsi à la bibliothèque de s’enrichir de 15 000 volumes, après élimination des doubles.
La grande salle de lecture est habillée avec les boiseries de la bibliothèque mussipontaine des Jésuites, dues au ciseau habile du Frère Paulus.
image Nancy Hier
La Caisse d’Epargne
Récente (elle date « seulement » de 1926-1928), elle adopte un style classique destiné à rassurer les épargnants.
Son allure imposante mais sobre est là pour inspirer confiance. La ruche présente sur le fronton est un symbole classique de l’épargne et de l’argent déposé qui, comme les abeilles, travaille sans cesse. Les architectes sont Charbonnier et Bourgon.
Le lycée
Le Lycée impérial est ouvert en 1804 et occupe l’emplacement de deux anciens couvents autrefois séparés par la rue Notre-Dame : les Minimes (fondé en 1592) et la Visitation (1632).
De ce patrimoine religieux, il reste le cloître des Minimes, devenu cour, et la belle chapelle ronde de la Visitation (1780-1783 par Antoine) classée monument historique dès 1916.
Les agrandissements successifs du lycée se sont souvent faits au détriment des cours, comme la cour Blondlot qui accueille maintenant la restauration scolaire.
En 1913, on donna au lycée le nom d’Henri Poincaré (1854-1912), ancien élève et mathématicien célèbre.
Le lycée doit sa renommé à son ancienneté, à ses classes préparatoires mais aussi à sa superficie en plein centre-ville : deux hectares.
Lire la thèse de Fabien Knittel sur Alexandre Mathieu de Dombasle – ici